La Pascaline est-elle la première machine à calculer ?

Pour répondre à la question, il convient au préalable de définir ce que nous appellerons machine à calculer. Il est en effet convenu de distinguer les instruments de calcul des machines à calculer proprement dites. Les premiers ne disposent pas de mécanismes, ce sont les bouliers, les règles à calcul, les compas de proportion, les bâtons de Neper, et toutes ces aides qui ont pu être inventées pour faciliter l’apprentissage ou la pratique du calcul. Clairement, ces aides remontent à l’antiquité et si le boulier lui même est beaucoup plus récent, additionner avec des cailloux sur un support quadrillé est attesté chez les romains. L’étymologie du mot calcul nous le rappelle en permanence. Ces instruments comportent nécessairement un dispositif pour poser les nombres, par exemple disposer les cailloux sur le support, des règles pour les manipuler, par exemple le mode d’emploi du boulier, et enfin une façon de lire le résultat. Il faut bien sûr qu’une machine à calculer dispose également de ces fonctions, et de quelque chose de plus qui va nous servir à les définir : les machines comportent un mécanisme qui permet, a minima, de réaliser automatiquement la retenue. La Pascaline est avec cette définition, une machine à calculer. Mais est-ce la première, ce qui daterait l’invention de 1642 si l’on retient la date de l’idée, et 1645 si on retient celle de la remise de la première Pascaline au chancelier Seguier, ce qui me semble plus pertinent car une idée n’est pas grand chose en la matière si elle n’est pas réalisée. Deux autres hypothèses ont été évoquées, elles s’appuient sur les deux documents ci-dessous.

Leonard de Vinci, engrenages

La première concerne Leonard de Vinci, sur la base, très étroite, de ce schéma retrouvé dans un de ses codex. Ni le dessin lui même qui évoque la démultiplication des forces par des engrenages, ni le contexte historique, ni les préoccupations de Léonard ne donnent un poids quelconque à l’hypothèse d’une réflexion sur une machine à calculer. Et encore moins sur une réalisation, puisque Léonard de Vinci n’a pas réalisé les machines qu’il dessinait.

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La seconde est plus sérieuse, elle concerne Wilhelm Schickard et la machine qu’il décrit dans deux lettres à Kepler de 1623 . Pour des raisons liées au principe de mécanisation de la retenue qu’il propose, on peut affirmer que soit elle n’a jamais fonctionné soit le courrier ne décrit pas la réalité du mécanisme. En effet on distingue sur le schéma à droite une dent unique qui, sur le cylindre des unités, doit entraîner la rotation du cylindre des dizaines pour assurer la retenue. Ce dispositif ne peut fonctionner correctement, ni pour une retenue simple ni, et encore moins, pour une retenue en série (999 + 1 = 1000). (Voir le détail sur Wikipedia).

Ma conclusion : la Pascaline est bien une machine à calculer et, sous réserve de nouvelles découvertes, c’est la première.

Leibniz et le calcul binaire

Leibniz s’est passionné pour la notation binaire, et je pense pouvoir avancer qu’il a été le premier à réaliser que cette notation serait particulièrement adaptée à la construction d’une machine à calculer.

C’est ce que j’ai transcrit et commenté ici  pour Bibnum sur la base de ce texte fondateur qu’est le manuscrit du 15 mars 1679 dans lequel est mentionnée pour la première fois la possibilité d’un calculateur binaire.

La machine à calculer de Leibniz

Après Pascal et sa Pascaline de 1645, Leibniz a tenté de réaliser une machine à calculer mécanique qui permettait les multiplications. Leibniz a décrit sa machine dans un document de 1710 que j’ai commenté sur Bibnum ici.

Bien que les 2 prototypes qu’il a entrepris n’aient pas fonctionné, les concepts qu’il a développés ont été repris au 19ème siècle pour la première machine réalisée en série, l’Arithmomètre de Thomas de Colmar, et par de nombreuses machines du 20ème siècle.

Cet article a été repris dans le recueil Regards sur les textes fondateurs de la science , Volume 1, sous la direction d’Alexandre Moatti, Cassini Paris 2010, pp 75-86.

ISBN 978-2-84225-148-2

Informatique et sens commun

L’informatique, jadis choyée, a subi fin 96 des revers très médiatisés, les projets Socrate pour la billetterie SNCF ou Taurus pour la bourse de Londres, ont défrayé la chronique par leurs échecs techniques doublés de problèmes sociaux et de surcoûts pharaoniques. L’article a pour objectif de montrer la difficulté de ces projets à construire le sens commun à tous les acteurs nécessaire à la réussite de ces changements aux conséquences lourdes sur la coordination entre les intervenants.

Revue « ALLIAGE »

N° 29-30 Hiver 96-Printemps 97 , pp 111 à 116